La dégradation des sols dans le monde

La dégradation des sols dans le monde

VALEUR ÉCONOMIQUE D'UN SOL

Dans la gestion de l’environnement, plusieurs facteurs entrent en jeu. Parmi ceux-ci, nous pouvons citer les enjeux économiques. Les questions de rentabilité et d’investissements représentent pour la plupart des décideurs le point de départ d’une réflexion sur la gestion du milieu naturel. L’environnement peut être une ressource qui rapporte et enrichie ou une dépense qui nécessite un investissement afin de protéger quelque chose estimé comme étant de valeur intrinsèque indépendamment des revenus qu’elle peut générer.

D’un côté, nous trouvons par exemple les mines de minerai ou des puits de pétrole. Ce sont des ressources brutes sans notion de patrimoine à sauvegarder ou préserver ; elles existent pour générer des revenus.

De l’autre côté, nous avons la protection des espèces en voie de disparition. Le loup en France, par exemple, coûte des centaines de milliers d’euros par an aux contribuables, sans pour autant générer un retour sur investissement. L’option de faire cette dépense est un choix conscient qui reflète un système de valeurs qui opte pour la préservation d’un animal à un coût personnel et sans retour tangible.

 

La réflexion sur la préservation du sol est peu avancée et nécessiterait d’être approfondie.

D’un côté, il y a des chiffres qui peuvent être cités et l’impact de l’érosion, dans certaines circonstances, peut être calculé. Il a été estimé, par exemple, que les crêtes et sommets décapés par l’érosion dans les coteaux molassiques du Sud-ouest ont un rendement agricole de 20 à 30% plus faible que sur les versants ou dans les fonds de vallée. En fonction des cultures, il est possible de transformer la perte en rendement en perte de profit. L’exercice, en réalité, est plus compliqué car il faudrait comparer la perte en profit aux autres options d’utilisation du sol – différents systèmes de culture qui préservent mieux le sol – en prenant en compte les différents investissements et valeurs de ventes de produits.

Une autre approche est de partir des coûts des dégâts engendrés par l’érosion. Par exemple, il a été estimé que la dépense annuelle liée aux dépôts des sédiments dans les fossés et sur les routes dans le Lauragais s’élève à environ 100.000 €/an. Ces dépenses dépendent des volumes de sédiments à curer des fossés et à déblayer des routes et ne prennent pas en compte les inconvénients engendrés par la fermeture de routes. Les segments de route dépendent des conditions topographiques en proximité de la route : des pentes fortes proches de la route sont plus propices à générer des dépôts que des parcelles à faible inclinaison qui connaissent peu d’érosion ou qui servent de zones de dépôt des sédiments érodés en amont. Ce sont donc pratiquement toujours les mêmes segments de route qui nécessitent un curage de fossé ou déblayage suite à un orage important. Le coût de la mise en place d’aménagements (bandes enherbées et haies) qui réduiraient les volumes déposés est du même ordre que celui de la réparation des dégâts engendrés la première année. Ensuite, le coût de l’entretien est beaucoup plus faible, et dans ce cas précis, il est moins cher de prévenir les dégâts que de les réparer.

Cette première approximation est très simpliste car ce n’est pas simple de transférer des ressources humaines et heures machines d’un budget à un autre et les frais de dossiers, montage de projets… ne sont pas pris en compte. Elle montre, cependant, que les ordres de grandeur sont similaires et la stratégie de lutte dépend davantage, dans ce cas, d’une vision de priorités que d’une dépense irréaliste. La maîtrise de l’érosion peut à la fois coûter moins cher et éviter des inconvénients liés à la fermeture des routes.

 

Ces quelques exemples mettent en relief deux aspects fondamentaux qui doivent être adressés et qui ne le sont que très rarement de manière explicite :

  • Le premier est le chiffrage de l’ensemble des coûts liés à l’érosion. Certains sont relativement simples : pertes en rendements, curage de fossés, déblayage de route, éventuellement la destruction des infrastructures… La valeur d’autres reste à déterminer : la pollution des milieux aquatiques, l’eutrophisation, la perte de fertilité sur le long terme… Quelle est la valeur économique d’un cours d’eau propre et naturel comparé à un cours d’eau surchargé en sédiments, pesticides et éléments nutritifs ? Si nous pouvons estimer l’impact des pertes en rendement aujourd’hui, comment le faire pour les générations futures : que seront les cultures et rendements dans 50 ans, 100 ans, 500 ans, aux échelles de temps de la restauration du sol ? Les conditions les plus simples pour ces calculs sont celles des pays riches de l’Europe de l’Ouest. Et pourtant, même là nous en sommes aux premiers balbutiements. Dans les pays en voie de développement, les enjeux sont encore plus importants et les données plus éparses. Pourtant, progresser dans cette direction permettrait de mieux cibler les priorités et les stratégies de lutte. Que faut-il protéger en priorité, où pouvons-nous maximiser l’impact des investissements ?

 

  • Le deuxième aspect évoqué par ces quelques exemples est celui de la prise en charge des dépenses. Qui doit payer les coûts de maitrise de l’érosion ou les dépenses de restauration du milieu ? Le principe du pollueur-payeur a forcé certaines activités à ne plus déverser leur pollution dans le domaine public sans traitement préalable. Déverser un polluant dans le milieu naturel est une manière de transférer un coût d’un site, ou d’une société, à un ensemble de personnes sur une plus ou moins longue période de temps. Cette pratique pourrait éventuellement s’appliquer à l’érosion mais la contribution d’un agriculteur à une forme de pollution est presque toujours impossible à déterminer avec précision. Nous nous trouvons donc dans une situation où nous ne pouvons ni déterminer les coûts de restauration/protection du milieu ni voir avec précision la contribution relative de chacun des acteurs. Les agriculteurs pourraient être taxés (pour l’azote par exemple), l’état verse les subventions, mais en réalité c’est le consommateur qui aura à porter les coûts.

L’orientation des activités agricoles se fait par le marché et le marché est déterminé par les achats du quotidien qui privilégie un produit sur un autre. Dans un pays riche, ce choix est possible. Dans un pays pauvre, chacun survit comme il peut et le pouvoir de choisir repose davantage sur les multinationaux et gouvernements parfois corrompus qui ont des visions intéressées et amorales de leurs productions.