Les stratégies socio-économiques viennent en amont des choix techniques et ont comme objectif de mobiliser les agriculteurs afin qu'ils prennent des mesures pour réduire ou arrêter la dégradation des sols. Toutes mesures qui ne sont pas socio-économiquement rentables seront ignorées des agriculteurs. La mise en place d'une stratégie de lutte contre l'érosion coûte en argent et/ou en temps et si ces investissements ne sont pas compensés alors l'agriculteur a peu d'intérêts à s'investir à ses propres dépens.
Elles peuvent prendre trois formes :Celles-ci représentent "la carotte" ; ce sont des incitations qui encouragent l'adoption de certaines pratiques souhaitées par l'Etat ou les gouvernements. Il y a eu dans un premier temps les Mesures Agri-Environnementales (MAE). Aujourd'hui, ces mesures ont été remplacées par les Contrats Territoriaux d'Exploitation (CTE). Dans les 2 cas, les exploitants sont compensés pour des pertes de productivité par le respect d'un cahier de charges précisément défini.
Dans le cadre des MAE, par exemple, il y avait une subvention pour la mise en place de bandes enherbées. Une bande enherbée est une bande d'herbe semée en bas de versant le long d'un ruisseau afin de piéger une partie du ruissellement et des nitrates (prélevés par la croissance végétale). Cependant, la subvention était inférieure à la marge brute/ha que pouvait retirer un agriculteur par sa culture normale. De plus, entre le moment où l'agriculteur mettait la mesure en place et le temps pour que le dossier fasse l'aller/retour entre la Chambre Départementale d'Agriculture, la Chambre Régionale d'Agriculture, le Ministère de l'Agriculture et la Commission Européenne, des années pouvaient passer avant que l'agriculteur touche sa subvention... Les bandes enherbées ont donc connu peu de succès par rapport au potentiel du territoire à protéger. La mise en pratique d'une subvention doit donc minimiser les démarches administratives et compenser de manière réaliste les coûts réels en jeu.
Il faut se rappeler que l'interdiction est un signe d'échec : c'est un indice qui montre que les valeurs de respect des autres ou de l'environnement n'ont pas suffi et qu'il faut limiter les comportements par des sanctions. L'érosion provoque des dégâts sur la voirie et dans les infrastructures publiques ; théoriquement le principe du "pollueur payeur" pourrait s'appliquer dans ces cas mais il ne l'est pas. Une raison pour cela est que la source des sédiments n'est pas toujours facile à identifier, l'érosion des sols est une forme de pollution diffuse ("non point source").
Comment attribuer des tonnes de sédiments, de pesticides et d'engrais présents dans les cours d'eau (ce qui déjà est difficiles à mesurer !) à plusieurs agriculteurs qui se partagent un bassin versant ?
Comment répartir la hausse des coûts de traitement des eaux potables à des agriculteurs qui ont des cultures et techniques culturales différentes ?
Des cartes d'érosion sont essentielles pour les gestionnaires et la mise en place d'une politique de lutte, mais elles ne sont que des approximations difficilement défendables en justice.
Consulter les dossiers : "Modélisation et cartographie de l'aléa d'érosion des sols à l'échelle régionale", Y. Le Bissonnais et al. Aléa d'érosion des sols en région Languedoc-Rousillon, INRA et L'érosion des sols, IFEN.
Il faut ajouter que les événements érosifs importants n'ont lieu que lors de pluies importantes, voire exceptionnelles. Dans ce cas, est-ce qu'un dépôt de sédiments sur la voirie une fois tous les 5, 10 ou 15 ans est lié aux pratiques agricoles ou à l'événement exceptionnel ? Pour toutes ces raisons, la mise en place d'une législation fondée sur la sanction de pratiques culturales qui conduisent vers des situations érosives est difficilement envisageable.
L'agriculteur ou le paysan s'enrichit ou subsiste grâce à l'exploitation de la terre. Pour diverses raisons - pentes trop fortes, surpâturage, sols très érodables - une situation d'érosion aggravée peut se présenter. Dans certains cas, et notamment dans les pays en voie de développement, la seule solution viable à la maîtrise de l'érosion est de trouver des sources de revenus complémentaires ou alternatives. Des activités économiques alternatives soulagent la pression sur les terres, limitant ainsi les dégâts de l'érosion.
Dans l'image ci-dessus, une tribu de la Namibie se tourne vers le tourisme en complément à la pratique traditionnelle d'élevage extensif de brebis et chèvres. Les nouvelles activités liées au tourisme créent des emplois (guides, suivis de la faune sauvage, hôtellerie, restauration) et une richesse qui pourrait permettre une réduction de la charge animale.
Le besoin de revenus alternatifs est moins le cas dans les pays riches. En France, par exemple, le couvert forestier n'a jamais été aussi important depuis le Moyen-Age. Les pentes fortes, notamment, sont abandonnées car nécessitant trop d'investissement pour un retour faible. Dans les régions montagneuses, les versants sont couverts de milliers de km de terrasses qui ont été abandonnées et qui sont en voie de reprise par une végétation naturelle. Ces terrasses apparaissent de nouveau suite à un feu de forêt.