Nous pouvons identifier cinq facteurs qui contribuent à déterminer les caractéristiques d'un sol :
Un sol se forme par la fragmentation physique et l'altération chimique d'un matériau in-situ. La météorisation physique fragmente le matériau sans altérer sa nature et les roches sont progressivement réduites en morceaux de plus en plus fins. En même temps, l'eau et l'énergie qui sont présentes dans le sol provoquent des réactions chimiques qui altèrent les minéraux initiaux (primaires) et produisent de nouveaux minéraux (secondaires). Ainsi, le matériau d'origine est progressivement fragmenté et altéré pour aboutir à un matériau qui est un mélange des constituants initiaux et de nouveaux minéraux, notamment des argiles, qui vont jouer un rôle très important dans la fertilité du sol. Certains milieux favorisent la météorisation physique, d'autres conduisent à une forte météorisation chimique et la production d'une quantité abondante de minéraux secondaires. (Pour ceux qui le souhaitent, ils peuvent approfondir leurs connaissances de la météorisation en consultant l'Essentiel La météorisation.)
Sur le court terme, les propriétés physiques et chimiques du sol sont héritées du matériau d’origine. Le matériau d’origine peut être une roche (roche mère) ou un matériau non-consolidé (dépôt d’alluvions, colluvions, lœss, dépôts glaciaires...) (Consulter l'Essentiel Les relations entre les sols et la topograhie). Ainsi, en France, par exemple, les teneurs en argile ou le pH du sol varient beaucoup d'une région à l'autre en fonction du substrat géologique. Le matériau d'origine est très important à l'échelle locale et régionale.
Le climat est le facteur le plus important sur le long terme et à l’échelle mondiale. Nous retenons l'impact de l'énergie et des précipitations. Le climat est particulièrement important dans le cadre de ce site web où la dégradation des sols concerne différents milieux climatiques du monde.
Quand l'eau gèle, le passage de l'état liquide à l'état solide provoque une augmentation du volume d’environ 10%. Les forces de cristallisation de l'eau étant très importantes, elles suffisent pour agrandir la moindre faille ou fracture présente dans la roche. Les milieux qui connaissent une forte météorisation physique sont donc des milieux humides avec plusieurs cycles de gels et dégels par an. Ces conditions correspondent plus particulièrement aux milieux humides tempérés ainsi qu'aux environnements à haute altitude; par exemple, la présence de pierriers et d'éboulis en montagne est un signe d'une forte météorisation physique. Dans les pays relativement chauds où la température ne descend jamais en dessous de zéro, la météorisation physique est beaucoup moins importante.
Il est admis que la vitesse des réactions chimiques double pour chaque augmentation de température de 10°C. Ceci n'est pas une loi absolue, mais elle indique l'importance de l'énergie dans les réactions chimiques et biochimiques. Ces réactions ne peuvent avoir lieu sans la présence d'eau. Les milieux qui conduisent vers une altération chimique forte sont donc des environnements chauds et humides.
Comme nous le verrons plus tard, la décomposition des matières organiques dans le sol joue un rôle important dans les propriétés physiques et chimiques du sol (Consulter l’Essentiel sur la Décomposition de la matière organique). Cette décomposition se fait grâce aux organismes vivants présents dans le sol. En dessous d’une température d’environ 4°C, les bactéries et la vie dans le sol ne fonctionnent plus ou que très lentement. Il n’y a plus de décomposition de la matière organique, ce qui favorise son accumulation. Les milieux froids sont donc des environnements qui favorisent l'accumulation de matières organiques et où la météorisation chimique est extrêmement faible.
Il a été signalé ci-dessus que les cycles de gel et le dégel dans la météorisation physique ne sont efficaces qu'en présence d'eau. Il en est de même pour la météorisation chimique où les réactions sont fortement dépendantes de la présence d'eau. Un milieu relativement froid qui connaît des cycles de passage au-dessus et en dessous de 0°C n'aurait qu'une faible météorisation physique en absence d'eau malgré la multitude des cycles. Et un désert chaud connaît très peu d'altération chimique malgré les températures très élevées à cause du manque d'eau. Le rôle premier de l'eau est donc d'accompagner et d'accentuer le rôle de l'énergie dans l'altération physique et chimique du matériau d'origine.
L'eau a d'autres impacts sur le sol. Lors de l'infiltration et de la percolation de l'eau à travers le sol, des produits en solution (divers cations et anions) sont lessivés du sol par la percolation. Là où les pluies et la percolation sont abondantes, les sols ont tendance à s'acidifier à cause de l'exportation des cations basiques (Na+, K+, Ca2+, Mg2+) au profit de l'apport de H+. Là où les pluies sont peu abondantes et le sol est marqué par une forte évaporation, les cations basiques ont tendance à se concentrer près de la surface du sol et ainsi donner un sol alcalin. D'autres particules fines, comme les argiles, oxydes, et matières organiques, peuvent également être déplacées par le mouvement de l'eau ; l'organisation verticale du sol reflète les dynamiques d'infiltration, de percolation et d'évaporation à l'intérieur du profil. L'eau participe ainsi à l'exportation de certains produits du profil pédologique et à la réorganisation des éléments constituants à l'intérieur du sol.
Enfin, nous pouvons noter l'importance des eaux de ruissellement. L'eau qui ruisselle à la surface détache et transporte des sédiments et matières organiques. Le déplacement du sol par l'érosion hydrique contribue à une réorganisation horizontale du sol dans laquelle certains versants sont progressivement décapés de leur couvert pédologique tandis que des dépressions représentent des lieux d'accumulation. L'importance de l'érosion hydrique dans la dégradation des sols fait l'objet du MODULE III.
Les types de végétaux et la biomasse en surface sont fortement corrélés avec le climat. La végétation apporte de la matière organique au sol et les organismes décomposent les matières organiques et structurent le sol. L’apport de matières organiques est fondamental pour les propriétés physiques et chimiques des sols, comme nous le verrons ci-dessous. Dans le contexte de la formation des sols, trois rôles de la végétation peuvent être soulignés. Premièrement, les végétaux favorisent la météorisation physique du matériau d’origine par la pénétration des racines. Il suffit de contempler comment les racines peuvent soulever et déformer les rues et trottoirs pour constater la force impressionnante qu’exercent les racines. Deuxièmement, la décomposition des matières organiques, qui sont riches en C, H et O, libère des H+ qui favorisent la météorisation chimique du sol. Enfin, la concentration de matières organiques dans le sol favorise la fertilité du sol et permet une meilleure densité et croissance des végétaux : ceci accélère les processus de météorisations physiques et chimiques décrits ci-dessous. En réalité, la présence des végétaux joue un rôle essentiel dans la formation d’horizons à l’intérieur du profil du sol, et des milieux désertiques dénués de végétaux n’ont qu’une très faible différenciation des horizons, contrairement aux milieux avec un couvert végétal dense.
L’influence de la topographie se ressent aux échelles régionale ou locale. D’abord, elle a un impact sur le meso-climat. Les pluies et températures sont influencées par l’altitude et l’orientation des versants. Ceci crée des contrastes entre versants N et S en Méditerranée, par exemple, où les versants N ont tendance à être plus humides grâce à un taux d’évapotranspiration plus faible (moins d’ensoleillement direct) et donc à favoriser la croissance végétale et des sols plus épais dans un milieu connu pour son stress hydrique estival. Nous trouvons des tendances contraires en zones froides, où le facteur limitant est énergétique et dans ce cas, les sols sur versants S sont souvent mieux développés que sur versants N où la neige persiste plus longtemps. Pour la pluie, nous pouvons noter les différences entres les versants bien arrosés sur les versants W des cordillères et les versants E qui sont beaucoup plus secs.
Ensuite, la topographie influence le ruissellement et les zones d’érosion et de dépôt des sédiments. Ainsi, l’érosion décape les parties convexes et les versants raides, et le dépôt de sédiments augmente l’épaisseur du sol en bas de versant.
Enfin, la topographie a un impact sur la circulation de l’eau et surtout sur l’accumulation de l’eau dans les zones de dépression où les eaux de ruissellement et d’écoulement hypodermiques (à l’intérieur du profil du sol) se concentrent. Ceci crée des conditions anaérobies avec accumulation de matières organiques (formation de tourbières) et parfois même la réduction du Fe3+ à Fe2+, qui produit une couche de sol gris ou vert clair. (Consulter l'Essentiel Les relations entre les sols et la topograhie)
Le temps permet au sol de former des horizons qui reflètent les conditions locales. Comme il a été noté dans l’introduction, l’échelle de temps pour la formation d’un sol se mesure en milliers d’années. Cependant, elle ne peut être considérée qu’en relation avec l’intensité de météorisation : des centaines de millions d’années dans un milieu aride peuvent donner des effets moins importants que quelques centaines d’années dans un milieu humide tropical. Plus les conditions de météorisation et de pédogenèse sont intenses, moins il faut de temps pour altérer le matériau d’origine et former des horizons distinctes.