La dégradation des sols dans le monde

La dégradation des sols dans le monde

II LA FERTILITE PHYSIQUE D'UN SOL

Nous pouvons dire que les propriétés physiques des sols sont celles qui influencent les facteurs suivants :

  • La circulation de l’air : sans air dans le sol, les racines ne respirent plus et la plante meurt d’asphyxie. Le manque d’air résulte le plus souvent d’un excès d’eau.
  • La circulation et la rétention de l’eau : l’eau apporte les éléments nutritifs à la plante et la plante régule sa température par la transpiration. La rétention de l’eau dans le sol influence le lessivage, le taux d’infiltration, le taux de ruissellement…
  • Le sol est plus ou moins résistant au détachement, cette propriété s’appelle « l’érodibilité ». Elle est étroitement liée à la stabilité structurale du sol, propriété qui est définie en détail ci-dessous.

Les caractéristiques du sol qui influencent les propriétés physiques sont nombreuses et ne peuvent pas toutes être prises en considération ici, surtout que notre objectif est de permettre aux étudiants de comprendre comment ces propriétés peuvent varier d’une région climatique à une autre et rendre le sol plus ou moins vulnérable à la dégradation (et non pas d’assurer un cours complet de pédologie). Deux caractéristiques ont donc été retenues comment étant celles qui influencent le plus les propriétés physiques du sol. Ce sont la texture et la structure du sol.

II.1 La Texture

La texture ou la granulométrie fait référence à la répartition des sédiments en fonction de leur taille. C’est une propriété fixe du sol qui est de loin la propriété la plus importante. La texture a une influence dominante sur les propriétés physiques et chimiques des sols.

Les limites exactes qui distinguent une fraction texturale d’une autre varient en fonction du système de classification mais des limites souvent utilisées sont définies dans le tableau ci-dessous :

TYPE DE SEDIMENT DIAMETRE
Argile < 2 µm (0,002 mm)
Limon 2 µm à 50 µm (0,002-0,050 mm)
Sable 50 µm à 2 mm (0,050 mm à 2 mm)
Gravier 2 mm à 2 cm
Cailloux 2 cm à 5 cm

Même si la granulométrie repose uniquement sur la taille des sédiments, les différentes fractions sont souvent constituées de différents minéraux :

  • Sable : surtout du quartz, aussi des feldspaths et micas. Peu de minéraux secondaires.
  • Limon : 50% quartz, autre 50% sont des feldspaths, des micas et des minéraux secondaires - des oxydes de Fe et d’Al.
  • Argile : surtout des minéraux secondaires, et à très forte dominance les phyllosilicates ; dans les milieux humides tropicaux il y a beaucoup d’oxydes de Fe et d’Al.

Les sédiments de moins de 2 mm font partie de la fraction fine. La fraction fine est utilisée pour définir la classe texturale du sol. Les sédiments plus grossiers que 2 mm sont enlevés de l’échantillon et les quantités d’argile, de limon et de sable sont exprimées en % de la fraction fine. Ceci ne veut pas dire que la fraction grossière n’est pas importante pour les sols - son impact peut être très important pour l’aération, la circulation de l’eau et l’érodibilité du sol en fonction de sa teneur. La fraction fine a été choisie parce qu’elle est très souvent dominante dans des sols cultivés et pour des raisons de normalisation. A partir de ces données, il est possible de classer le sol dans une classe texturale.

Regardez l'animation du triangle textural et déterminez la classe texturale de quelques sols afin de noter l’importance de l’argile.

A l’échelle de générations humaines, nous pouvons considérer la texture du sol comme étant une propriété fixe. Ce n’est donc pas une caractéristique du sol qui « se gère » : elle est héritée du matériau d’origine et elle évolue à des échelles de temps très longues. L’influence de la texture sur les propriétés physiques du sol s’exprime principalement à travers son impact sur la structure du sol et tout ce qui en découle, comme nous le découvrirons ci-dessous.

II.2. La structure du sol

La deuxième caractéristique du sol qui influence les propriétés physiques est la structure du sol. La structure du sol fait référence à l’organisation des sédiments définis par la texture. Plusieurs types de structure, ainsi que plusieurs formes d’agrégats, peuvent être définis mais la présentation est simplifiée à trois seulement : particulaire, massive, en agrégats.

  • Particulaire : les sédiments n’ont pratiquement aucune cohésion et restent à l’état de particules libres. Ceci est le cas, par exemple de sables ou de graviers.
  • Massive : les sédiments sont pris en masse, d’un sol bloc. Ceci est le cas des argiles lourdes.
  • Agrégé : ceci représente la grande majorité des sols. En effet, sous l’effet cohésif des argiles et des matières organiques surtout (et dans une moindre mesure les limons), le sol s’organise en une hiérarchie d’agrégats : les particules forment de micro-agrégats, qui se combinent pour former des méso-agrégats, et ensuite des macro-agrégats.

L’agrégation peut être plus ou moins développée, et les agrégats peuvent être classifiés par leurs formes. C’est la structure du sol qui crée une diversité de tailles de pores dans lesquels vont circuler l’air et l’eau. Un sol bien structuré permettra un équilibre entre mouvement (dans les pores plus grands) et rétention (dans les pores plus petits) de l’eau. Cette propriété du sol se gère par le travail du sol, et tout le travail du sol effectué par un agriculteur est destiné à améliorer la structure. Les amendements (matières organiques et apports calciques) sont aussi destinés à favoriser la structure du sol. C’est donc une propriété qui varie avec la saison et les techniques culturales.
Les racines des végétaux sont particulièrement importantes pour le développement de la structure du sol et en général, plus la densité racinaire est importante, mieux la structure est développée. La texture du sol, et surtout la teneur en argile, est également très importante, ainsi que la teneur en humus : ces deux composantes favorisent le développement d’une bonne structure (si toutefois la teneur en argile n’est pas trop importante, ce qui peut conduire à une structure massive). Pour des sols cultivés lourds (riches en argile), les cycles hivernaux de gels et dégels ont tendance aussi à favoriser une meilleure structure du sol.

II.3 La stabilité structurale

Au-delà de la structure, il y a la notion de « stabilité structurale » qui est particulièrement importante pour l’érosion. La stabilité structurale est une mesure de la résistance des agrégats à la désagrégation. Un sol dont les agrégats ont une forte cohésion possède une bonne stabilité structurale ; des agrégats avec une faible cohésion ont donc une faible stabilité structurale et ils se désagrègent facilement sous l’impact des gouttes de pluie. L’influence de la stabilité structurale se ressent surtout par son impact sur l’infiltration de l’eau dans le sol et la facilité avec laquelle le sol est érodé (son « érodibilité »).
Les facteurs principaux qui influencent la stabilité structurale d’un sol cultivé sont la texture, la teneur en matières organiques et les types de cations présents dans le sol.

II.3.1 La texture

Des textures avec trop peu d’argiles ont une faible cohésion et donc une faible stabilité structurale. Les sols les plus sensibles sont les sols riches en limons et/ou sables fins. Comme il a été décrit ci-dessus, les limons ont une faible cohésion et sont des particules très fines. Ils sont donc facilement détachés de la matrice du sol et facilement transportés par le ruissellement puisqu’ils sont petits. Les sables fins ont une cohésion encore plus faible. Les sables grossiers ont une très faible cohésion, mais parce que ce sont des sédiments plus gros que les limons et sables fins, ils sont moins facilement transportés par les eaux de ruissellement. Une fourchette très approximative pour une teneur en argile idéale serait entre environ 15% et 30-40%. En-dessous de 15%, la stabilité structurale devient relativement faible et le sol facilement érodé ; au-delà d’environ 40%, le sol a tendance à être lourd, avec une forte rétention de l’eau et une structure tendant à être massive.

II.3.2 La matière organique

On devrait dire « les matières organiques » parce que la matière organique se trouve dans le sol sous plusieurs formes : vivante dans les racines, fraîchement tombée au sol, partiellement décomposée, très humifiée... Les matières organiques jouent un rôle très important dans le sol et méritent un développement à part. Consulter l'Essentiel La décomposition de la matiére organique

II.3.3 Le type de cation dans le sol

Les argiles ont une charge électrostatique négative, les cations en solution ont une charge électrostatique positive. L’attraction entre argiles (charge à dominante négative) et cations permet aux argiles de former des agrégats par des « ponts cationiques ». Le calcium est un cation particulièrement bénéfique pour la structure du sol et favorise la formation d’agrégats stables. Les agriculteurs se servent de calcaire broyé (CaCO3) ou de chaux (CaO, où CaCO3 + chaleur (environ 850°C) = CaO + CO2) pour remonter le pH de leur sol et améliorer sa structure. Les apports de calcaire broyé ou de chaux sont considérés comme des amendements.
Pratiquement tous les cations rencontrés dans le sol (Ca2+, K+, Mg2+, Al3+, H+…) ont un effet bénéfique ou neutre sur la structure, sauf un : le sodium (Na+). Le sodium agit comme un dispersant dans le sol et contribue à sa désagrégation. Des problèmes de sodicité se rencontrent surtout dans des zones arides et semi-arides où il y a trop peu de lessivage pour emporter les sels vers la nappe phréatique et cours d’eau, et où l’évaporation concentre les sels près de la surface.

Beaucoup de sels = salinité, beaucoup de sodium = sodicité.
Il existe 2 mesures de la sodicité d’un sol :
  • 1- Pourcentage de sodium échangeable (« Exchangeable Sodium Percentage - ESP ») :
    (Na+ échangeable / CEC) * 100
  • 2- Rapport de l’adsorption du sodium (« Sodium Absorption Ratio - SAR ») :
    [Na+] / (0.5*([Ca2+] + [Mg2+]))0.5

Le sol est sodique si le « ESP » ≥ 15 ou si le « SAR » ≥ 13.

Cependant, l’effet négatif du sodium se ressent à des valeurs plus faibles que 15 pour le ESP ou 13 pour le SAR, même des valeurs de 4-5 peuvent fortement réduire la stabilité structurale et faciliter l’érosion du sol.

II.4 L’impact d’une faible stabilité structurale sur les propriétés physiques

La stabilité structurale est le meilleur indice de l’érodibilité du sol (la facilité avec laquelle le sol est érodé). Elle joue sur plusieurs facteurs qui influencent le taux d’érosion :

II.4.1 La taille des produits de la désagrégation

Une faible stabilité structurale conduit à une désagrégation plus intense. Les produits de la désagrégation, les sédiments et micro-agrégats, sont plus petits et donc plus facilement détachés et transportés.

II.4.2 La formation d’une croûte de battance

La désagrégation des agrégats à la surface du sol crée une couche fine à la surface où la porosité est très réduite et la densité apparente est plus importante. Cette fine couche s’appelle une « croûte de battance ». Pratiquement tous les sols sans couvert végétal forment une croûte de battance, à l’exception de sols très riches en sables grossiers ou avec une très forte pierrosité. Les sols à faible stabilité structurale forment des croûtes très rapidement sous l’impact des gouttes de pluie, les sols à forte stabilité les forment plus lentement. Les sols pauvres en argile et riches en limons ou sables fins sont très sensibles à la battance.

La croûte de battance est importante pour plusieurs raisons :
  • Paradoxalement, elle représente une couche dense à la surface du sol et augmente ainsi la cohésion du sol, et donc sa résistance au détachement. En théorie, cela devrait réduire le taux d’érosion.
  • Cependant, même si elle augmente la résistance du sol au détachement, elle diminue très fortement le taux d’infiltration. Le taux d’infiltration pour un sol limoneux peut passer de 60 mm h-1 sans croûte de battance à 2 ou 3 mm h-1 en présence d’une croûte. Ce deuxième effet compense largement le premier puisque c’est le taux d’infiltration (avec l’intensité de la pluie) qui détermine le taux de ruissellement. Le taux de ruissellement ainsi que les risques d’érosion diffuse et linéaire augmentent radicalement en présence d’une croûte de battance.
  • La croûte de battance réduit le taux d’émergence des plantules : la croûte de battance est une couche dense et dure à la surface du sol qui présente une résistance mécanique à l’émergence des plantules. En présence d’un surpâturage, une baisse dans le taux d’émergence diminue la capacité de l’environnement à se re-végétaliser. Ceci est particulièrement grave dans les zones semi-arides où la pression animale sur la végétation est déjà très importante et où une re-végétalisation rapide est urgente pour réduire le taux d’érosion.
  • La croûte de battance réduit la vitesse de croissance des plantes : même quand une plantule traverse la croûte et émerge à la surface, la croûte de battance présente une résistance mécanique à la croissance des racines et de l’expansion de la tige. De plus, elle réduit les échanges d’oxygène et de CO2 entre l’atmosphère et l’air du sol (les racines absorbent de l’O2 et émettent du CO2), ce qui fait que l’air du sol s’enrichit en CO2 et s’appauvrit en O2. Ceci peut créer des conditions anaérobies pour les racines. Si nous ajoutons à cela la réduction dans le taux d’infiltration de l’eau dans le sol, qui détermine la disponibilité en eau pour les plantes, il est évident que la croûte de battance joue un rôle primordial dans la re-végétalisation des milieux dégradés.