Il y a quelques millions d'années, des bipèdes (Homo habilis) se sont levés en Afrique et ont commencé une migration vers les autres continents qui allait changer la face de la Terre. Cette première émigration fut suivie par d'autres plus tard, et pendant des centaines de milliers d'années les descendants de ces différentes vagues se sont succédés, mélangés ou anéantis pour progressivement conquérir l'ensemble de la planète. L'Homo habilis, et plus tard l'Homo erectus et l'Homo sapiens, furent des prédateurs exceptionnellement efficaces. Leur progression à travers le Monde coïncide avec la disparition de différentes espèces animales qui présentaient peu de défense face aux nouveaux arrivants.
Notre planète est loin d'être stable. Depuis 2 millions d'années, le climat ne cesse de changer. Les bouleversements climatiques, avec les périodes glaciaires et interglaciaires, sont à l'origine de transformations écologiques immenses, ainsi que de phases d'extinctions massives d'espèces. Les écosystèmes ne sont donc jamais parfaitement stables et représentent toujours une sorte d'équilibre dynamique. L'arrivée de l'Homo sapiens, cependant, représente une donnée entièrement nouvelle dans l'histoire de l'évolution de la vie. Pour la première fois, une seule espèce prit l'ascendant sur l'ensemble des espèces planétaires. Nous pouvons penser que l'expansion territoriale des Homo sapiens (et leurs ancêtres) fut la première phase d'un bouleversement des écosystèmes qui ne fait que s'accélérer avec le temps.
Pendant pratiquement toute sa longue histoire d'évolution, le genre "Homo" était un chasseur-cueilleur et vivant en mobilité constante. Il y a environ une dizaine de milliers d'années, l'Homo sapiens se tourna progressivement vers une agriculture sédentarisée.
Évidemment, la découverte de l'agriculture s'est faite plus ou moins par accident au début : les espèces végétale, animale et humaine s'adaptèrent peu à peu à la présence les uns des autres pour aboutir à une situation où, pour la première fois, l'humain pouvait cultiver le sol pendant une période de l'année et faire autre chose à d’autres moments et aussi mieux (quantité et qualité) se nourrir. Sa principale activité ne consistait plus à rechercher une nourriture quotidienne par la chasse et la cueillette. Certains auteurs (ex. Jared Diamond - Guns, Germs and Steel) considèrent que l'émergence de l'agriculture a permis aux êtres humains de développer des activités spécialisées telles que la religion, l'organisation militaire, l'art, et la science... Toutes ces activités étaient présentes bien avant la sédentarisation agricole : les différentes "tribus" d'Homo sapiens se sont sûrement entre-tuées aussi, et les rites funéraires et les dessins dans les grottes remontent à des dizaines de milliers d'années, bien avant la domestication du blé et l'invention de la charrue. Mais la capacité de mieux maîtriser la production alimentaire et son stockage pendant plusieurs mois a donné à ces activités un élan inconnu auparavant parcequ'elle a permis la création de sociétés de plus en plus organisées et importantes en taille de population.
Les histoires des guerres entre nations, de la colonisation de terres étrangères, et de la surexploitation des sols et du milieu naturel aujourd'hui sont intimement liées au développement de l'agriculture. L'expansion des activités agricoles à travers le monde représente une deuxième étape clé dans le bouleversement écologique planétaire provoqué par les êtres humains.
La domestication des animaux et végétaux par les humains est une histoire de sélection génétique : d'abord inconsciemment, ensuite stratégiquement, l'humain participa à l'évolution de différentes espèces afin qu'elles servent mieux ses besoins.
Le travail des sols s'est fait à la main et ensuite, dans certains cas, à l'aide de bêtes de somme, que ce soient des chevaux, des ânes, ou des bœufs, et même si ces processus d'adaptation et de sélection évoluèrent avec le temps, les activités culturales et d'élevage changèrent relativement peu pendant des milliers d'années. Cette dernière phrase est une généralisation grossière derrière laquelle se cache une multitude d'activités culturales et pastorales à travers tous les milieux naturels du monde. Il y a des centaines de manière de travailler le sol, de produire une culture, ou de conduire un troupeau. Ce serait impossible ici de faire justice à toutes ces adaptations locales qui sont la preuve même de l'extraordinaire capacité d'innovation des êtres humains. Cependant, malgré cette diversité, le travail du sol était limité par la puissance des hommes et des bêtes.
Dans le dernier siècle, le rythme de transformation des écosystèmes par les activités agricoles s'est accéléré de manière exponentielle. Cette progression est due en large partie à la révolution industrielle et à l'invention d'outils motorisés puissants. Là où le sol était retourné à la main, nous avons aujourd'hui des outils à dents qui ont des vitesses de rotation de milliers de tours par minute. Là où il fallait plusieurs jours pour retourner une parcelle de terre, il ne faut plus que quelques heures. Et là où il fallait toute une équipe et des semaines de travail pour déboiser quelques hectares de forêt, aujourd'hui des bulldozers peuvent le faire en quelques jours.
Aujourd'hui, la surexploitation des différents milieux de la planète conduit à une dégradation écologique sans précédent. Cette surexploitation dépend de différents facteurs, parmi lesquels nous pouvons citer la mécanisation du travail du sol, la croissance démographique humaine, la croissance des populations animales domestiques, ainsi que l'expansion des activités agricoles dans des zones jusqu'ici jamais cultivées. Nous constatons, de nos jours, deux tendances inverses : une augmentation importante de la population mondiale, et une diminution des terres cultivables. Jusqu'ici, il a été possible de compenser la perte des terres par des variétés végétales plus productives, ainsi que par des apports d'amendements et d'engrais plus importants. Nous atteignons la limite de ces progrès et les montées des prix alimentaires, accompagnés « d’émeutes de la faim » sont un signal d’alarme.